Elle s’est bâtie une renommée mondiale. Non parce qu’elle en raffolait depuis sa tendre enfance, mais ses œuvres la lui ont attribuée avec mérite. Ika De Jong Kibonge, de son nom complet, est une femme d’origine congolaise et grandit en Belgique au parcours plein de rebondissements. Dans une interview exclusive accordée à votre Magazine, elle nous révèle les vraies raisons qui l’ont poussé à quitter la Belgique pour résider officiellement en RDC. Elle répond aussi aux questions sur son quotidien partagé entre sa famille, son travail et sa propre personne. Et enfin, elle réagit sur la grande polémique entre sa foi chrétienne et ses rapprochements professionnels avec des personnes de divers milieux. Une interview exclusive à lire intégralement ci-dessous.

 

Ika De Jong, vous viviez et exerciez autrefois vos activités en Belgique. Mais depuis un certain temps, vous avez décidé d’aménager ici au Congo DRC. Quelles sont donc les raisons ou motivations qui vous ont poussé à revenir dans votre pays natal ?

En fait, cela fait 10 ans que je fais des va-et-vient entre l’Europe et la RDC. Je suis partie en Europe à mes 17 ans parce que la situation familiale a permis que nous allions de l’autre côté, dû au pillage qu’il y avait en RDC à cette époque. On a dû aller de l’autre côté pour continuer nos études et rejoindre notre père. Mais, j’avais quelque chose qui me manquait. En venant chaque fois ici (RDC), je me disais que je devais apporter ma pierre à l’édifice. J’essayais un peu de situer cela dans quel sens le faire, de quelle manière j’apporterai ma pierre à l’édifice. Je voyais les réactions de ceux qui me suivaient, aussi bien dans ma famille qu’au fond de moi-même, et il y avait ce retour qui était demandé sur la terre de mes ancêtres.

Je me suis dit : « J’ai acquis de l’expérience à l’extérieur, et je pouvais bien le faire bénéficier à mes frères et sœurs de la RDC ». C’est pour ça que je suis revenu. Mais j’ai eu le déclic le jour où je me suis rencontré avec Son Excellence Monsieur le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, à New-York quand il a fait son tout premier discours devant les Nations Unies. A un moment donné, il sort pour quitter son hôtel et nous faisons la quaie d’honneur. Et c’est là qu’il va me serrer la main et me dire : « Ika, rentre au pays. Ton pays a besoin de toi ». Ça fait un boomerang dans ma tête et j’ai décidé de rentrer.

A mon retour, j’ai créé IDJ Consulting ici et nous sommes là.

 

En rapport avec votre agence de communication, avez-vous rencontré des difficultés dans son implantation et la suite notamment, dans la recherche des clients et partenaires avec qui travailler ?

Pour moi, ce n’était pas difficile. Comme je venais de le dire, je suis venu plusieurs fois. Lors de mes navettes, j’ai pu créer mon carnet d’adresses. Et en arrivant, je pouvais toquer à chaque porte où les gens me connaissaient déjà, car ils savaient de quoi j’étais capable. Pour tout ce qui est légal et paperasse, j’ai un Avocat (Monsieur Serge Nawej) qui s’est chargé d’implanter la société correctement, louer un cabinet pour avoir des bureaux IDJ Consulting. J’ai eu des gens qui m’ont soutenu et je tiens à les remercier. Donc pour moi, ce n’était pas difficile.

 

j’ai eu le déclic le jour où je me suis rencontré avec Son Excellence Monsieur le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, à New-York quand il a fait son tout premier discours devant les Nations Unies. A un moment donné, il sort pour quitter son hôtel et nous faisons la quaie d’honneur. Et c’est là qu’il va me serrer la main et me dire : « Ika, rentre au pays. Ton pays a besoin de toi ». Ça fait un boomerang dans ma tête et j’ai décidé de rentrer.

 

A quoi ressembler votre vie avant de venir vous implanter en RDC ?

Je dirai que je suis une battante. Les gens qui me côtoient savent que Ika De Jong d’hier est la même aujourd’hui. Je n’ai pas tellement changé, si ce n’est de dire qu’ici il fait chaud et là-bas il y a une autre température. S’adapter au mode de vie en RDC, ce n’est pas évident à cause des réalités. Ici je suis une personne qui emploie des gens et j’ai des responsabilités. J’ai toutes ces familles sur mes épaules, et je dois me rassurer avant de dormir que tout le monde est arrivé chez soi. En Europe, je n’avais que ma famille et mes activités. Mais ici, je n’ai pas que ma famille. J’ai toutes ces familles derrière moi qui ont besoin que Ika De Jong soit toujours aux aguets pour subvenir à leurs besoins.

 

Avez-vous une expérience professionnelle de combien d’années ?

Si je dois compter où je suis resté avec le média JL TV qui a fait de moi ce que je suis et l’Ir Toubadelo, je dirai 10 ans. Mais j’ai fait beaucoup d’autres choses avant. Nombreux ne le savent pas, mais moi j’ai fait des études en Management. Et depuis Amsterdam déjà, j’étais parmi les gens qui organisaient des concerts et des festivals où des artistes africains devaient arriver. Par rapport à mes études, c’est moi qui m’occupais des hôtels des artistes, des moyens de transport pour les faire venir, des prestations, des matériels, des locations de salles. C’était donc une petite Ika De Jong qui apportait ce plus à ma communauté africaine et congolaise. C’est ainsi que beaucoup d’artistes me connaissent. Et vous entendrez dans la plupart de leurs chansons mon nom, c’est parce que ça fait des années que je suis dans le milieu de l’événementiel. On me connaissait déjà, mais je travaillais plus en coulisses.

 

Entre votre vie en Belgique et votre vie en RDC, laquelle est la meilleure ?

Chez moi en RDC. Vous savez, on peut tout dire mais on est mieux chez soi. Peu importe la situation dans laquelle on est, nous sommes au moins en paix. Cette paix de se dire qu’on a le nôtre et la joie de vivre. L’Europe, ce n’est pas facile. C’est vrai qu’on vend un rêve à ceux qui restent ici, on croit que c’est l’Eldorado, mais la vie en Europe est très difficile. Il est vrai qu’il y a plus de facilité sur le plan médical et les études des enfants. Mais psychologiquement, l’Europe est très dure. Vous avez une pression tous les jours. Vous recevez des factures tous les jours, vous subissez même le racisme. Je suis devenu ce que je suis grâce aux réseaux sociaux. Les études que j’ai faites devaient me faire atterrir uniquement dans des chaînes de télévision. Mais il y a combien de noirs dans les chaînes de télévision, particulièrement en Belgique d’où je viens ? On les compte au bout des doigts. Même ceux qui sont là et ont fait des études, finissent comédiens. Je ne crache pas sur ce métier, mais je me dis que ces personnes avec leurs connaissances pouvaient arriver très loin. Mais ils sont buté à la barrière dont je viens de vous parler. Et moi à un moment donné, je n’en pouvais plus. Grâce aux réseaux sociaux, nous avons monté JL TV. Si ces noirs peuvent faire quelque chose, ils doivent se rappeler qu’ils seront limités.

 

Doit-on nous (les noirs) leur rendre la pareille sur notre continent ?

Non, je ne pense pas. Je crois que nous devons rester tel qu’on est. Les Congolais sont un peuple qui accueille les gens et ils n’hésitent pas à montrer leur amour. Ce n’est pas parce que ils ne font subir des choses là-bas, que nous devons les leur rendre ici. Mais on ne doit pas oublier que notre valeur ici doit être la même là-bas. Il y a des gens qui ont des diplômes ici dans ce pays. Mais quand ils arrivent là-bas, ils sont vraiment limités. Ils se retrouvent dans une situation où même leurs patrons n’ont pas leurs qualifications. Mais ils sont contraints d’exercer des métiers juste pour vivre. Au lieu de leur faire subir ce qu’ils nous font, nous devons leur montrer notre hauteur en étant capable de faire des grandes choses sans eux. Nous pouvons ici aujourd’hui montrer qu’on est capable d’évoluer sans un blanc ou la force d’un blanc.

 

Nous aimerions connaître la place de votre famille dans vos activités professionnelles.

En tout cas, ma famille a la première place. C’est vrai que ce n’est pas évident, j’ai plusieurs casquettes professionnelles et ce n’est pas facile. Mais ma famille passe avant tout. Aujourd’hui, il y a le bureau de IDJ Consulting ici à Kinshasa. J’ai préféré ramener Mister J (mon fils cadet) pour qu’il étudie au Congo et s’imprègne de ses racines. Mes filles sont plus âgées, vivent en Europe et viennent souvent pendant les vacances. Mais mon fils doit s’imprégner de ses valeurs d’origine. Aujourd’hui quand je vois mon fils jouer sous la pluie ou avec le sable, ça me rappelle mon enfance et ça me fait plaisir. Il n’y a pas plus beau que ça. Pour moi, que mes enfants s’imprègnent de leurs racines est très important. Ce n’est pas évident, mais quand on s’organise nous parvenons à tout faire. Mes enfants ont grandi et ont compris que quand c’est le travail, c’est le travail ; quand ce sont nous, ce sont nous ; quand c’est le contrat de Maman, c’est le contrat de Maman.

 

Vous êtes très organisé alors…

Oui, je suis très organisée. Je prends mon temps pour vraiment m’organiser et mettre tout à sa place quand il le faut et comme il se doit.

Sur Internet, vous inspirez la jeune génération qui aimerait atteindre votre niveau en termes de carnet d’adresses et d’impact. Mais une question que nombreux se posent est : après avoir fini de travailler, que fait donc Ika De Jong ?

Qu’est-ce que je fais de mes journées ? Mes journées sont longues. C’est vrai que quand je rentre vraiment à la maison, je fais le devoir de mon fils quand je suis à Kinshasa. Je prends le temps d’être avec lui et de jouer souvent avec lui. Je prends le temps de parler avec ma mère, de cuisiner pour mon partenaire de vie (au foyer), de lire des ouvrages. En vrai, je dors très tard et je me réveille très tôt. Je m’arrange toujours avant que mon fils ne parte à l’école, de lui faire ses bisous et de le bénir. Quand je suis en Europe, je fais la même chose. Je prends le temps de m’assurer de leur évolution à l’école. Ma famille passe avant tout. Mais je travaille beaucoup. D’autant plus que je travaille aussi avec les USA et je dois attendre qu’ils arrivent à leur bureau pour entamer le boulot.

 

Ika De Jong, vous êtes de conviction religieuse chrétienne. Mais dans le milieu « chrétien », un courant de pensée affirme qu’on ne doit pas collaborer avec des personnes non-chrétiennes. Mais le fait pour vous d’aller à l’encontre de ce principe, cela bouscule-t-il votre foi en Dieu ?

Pas du tout. Moi j’ai une communion avec mon Dieu. Je n’ai pas besoin d’Église ou d’une personne pour être en relation avec mon Dieu. C’est mon Dieu et moi avec mon Dieu. Et mon travail ne vient pas bloquer ou bien s’interposer entre mon Dieu et moi. Si je suis en relation professionnelle avec un artiste «mondain », c’est parce que Dieu l’a permis et c’est ma conviction. Il y a de nombreuses personnes qui ont le statut que j’ai, mais n’ont pas cette grâce de côtoyer ces personnes. Je peux me retrouver devant ces personnes dites mondaines et, en pleine conversation, je lui dis quelque chose qui lui apporte un plus spirituel, je gagne quelque chose devant mon Dieu. Je ne suis pas là pour juger les gens, et je n’attends pas non plus que les gens me jugent. Les gens qui me suivent savent que quand je dois parler de mon Dieu, je le fais sans me retenir. Si les gens savent déjà que Ika est spirituelle, il n’y a rien qui peut me bloquer dans ma relation avec Dieu. Si aujourd’hui tu me quittes parce que je suis spirituel, ça veut donc dire qu’il ne fallait même pas avoir mon contact. Mais je fréquente aussi des amis serviteurs de Dieu. Mais ils savent qu’on ne peut pas limiter Ika De Jong pour sa propre personne. Ils ne peuvent pas s’accaparer de ma personne, parce que je suis Ika De Jong pour tout le monde. Aussi bien je vais chez les chrétiens, aussi bien je vais chez les non-chrétiens. Je suis ferme dans mes convictions.

 

Ika De Jong en trois mots ?

Je suis Déterminée, Perfectionniste et Vraie

 

(Propos recueillis par Sarah Bopima et John Ngoyi)